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vendredi 30 mai 2014

La société dans Dom Juan - 3/ La condition féminime

La femme au XVII° siècle, une mineure à vie...

Au XVII° siècle, la mentalité générale, guidée par l'Eglise, veut que la jeune femme fonde un foyer, initiée à ses futures tâches familiales dans un couvent, si elle est de la noblesse, ou en aidant au foyer, si elle est roturière. 

La place des femmes varie selon l'origine sociale : essentiellement mère et bras, dans le tiers-état, dans la noblesse, elle doit tenir le rôle d'hôtesse, sachant danser, jouer d'un instrument de musique, recevoir le monde en tenant salon, maîtrisant les bonnes manières et l'art de la conversation. L'âge légal du mariage, pour une fille, est alors de 12 ans !!!

Dans tous les milieux, elle sert à réaliser des alliances, véritable monnaie d'échange pour accroître la richesse, le prestige ou les affaires de sa famille. Elle se doit d'obéir à la volonté paternelle, et le mariage forcé est courant.

Elle reçoit une éducation limitée, et, pour la majorité des hommes, une femme cultivée est jugée dangereuse et manipulatrice. Ainsi, dans L'Ecole des femmes, Molière raille le bourgeois qui imagine qu'épouser une idiote lui évitera d'être fait cocu.

Incarnées par Done Elvire, Charlotte et Mathurine, les femmes sont représentées dans Dom juan comme n’étant que des objets, soumises à la supériorité du mâle


Elles sont promises, engagées dans des mariages même si elles n’éprouvent aucun sentiment, comme Charlotte à Pierrot ; elles sont manipulables et faibles, à la merci des caprices des hommes. 
Une femme comme Done Elvire, qui se voit avilie par la conduite de son mari, ne peut plus trouver refuge que hors du monde, c'est à dire dans un couvent : Molière, dans la pièce, met en lumière cette absurdité, qui nie à la femme une existence propre. Il nous montre d’ailleurs que les paysannes, toutes balourdes qu’elles soient, ont finalement accès à plus de liberté que la femme aristocrate, qui se voit réduite à n’être qu’une belle image représentant la lignée de ses pères.

Il est intéressant de remarquer que malgré les assauts irrespectueux de Dom Juan, les troubles, souffrances et désagréments dans lesquels Done Elvire est plongée par sa faute, elle garde toute sa grandeur et sa dignité. En n’étant pas dupe des manœuvres de Dom Juan, elle est le seul personnage face à qui Dom Juan ne peut mentir, car elle voit clairement en lui. On peut remarquer comment elle relègue au passé sa crédulité, et s’en reproche exclusivement les causes : ce n’est sur Dom Juan qu’elle rejette la faute, mais bien sur elle-même. Par ce comportement, par sa hauteur, sa dignité, son talent d’observation « le coup d’œil qui m’a reçu m’apprend bien plus de choses que je ne voudrais en savoir », son degré de conscience (elle souffle la parole de Dom Juan, en lui indiquant les mensonges et hypocrisies par lesquels il pourrait justifier son départ), Done Elvire prend un tel ascendant sur Dom Juan que celui-ci cherche finalement à la reconquérir « vous me ferez plaisir de demeurer, je vous assure».
 Done Elvire, arrachée à son couvent encore vierge par Dom Juan, le regagne pour y finir sa vie : si elle déshonore son nom par son aventure avec Dom Juan, a subi les déchirements du cœur par sa faute, elle ressort grandie, élevée par les épreuves au rang de martyre. On peut ainsi la reconnaître sous le voile du sceptre, dont la voix semble familière à Dom Juan. Molière nous dresse ici le tableau d’une société aux rapports sclérosés, où la femme, bien que maintenue depuis toujours dans l’asservissement, est à l’égal de l’homme dotée d’humanité, de sagesse et de grandeur d’âme, et réclame la justice.
Dissimulée sous les traits du Temps et de la Mort, Done Elvire est sublimée, et incarne toutes les femmes face à l’injustice de l’homme, et aussi toute la société, exploitée par la noblesse.
C'est d'ailleurs avec sa voix que le spectre enjoindra une dernière fois Dom Juan au repentir : "« Dom Juan n’a plus qu’un moment à pouvoir profiter de la miséricorde du Ciel ; et s’il ne se repent pas ici, sa perte est résolue ».

La pièce pose donc bien la question de la condition féminine, mettant en scène l'état de poupée à laquelle la société la réduit, alors qu'elle prouve, quelle que soit sa condition, sa valeur et sa grandeur d'âme. En ceci, Dom Juan rejoint bien des pièces de Molière qui dénoncent la maltraitance faite aux femmes, soumises à l'autorité abusive de leur père, puis de leur mari.

- Introduction La société dans Dom Juan

- 1/ Le Tiers-Etat : un peuple exploité

- 2/ La noblesse : un corps entretenu

 

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