Le mouvement Baroque
L'art
du début du XVII° est encore largement inspiré par la Renaissance
et les poètes de La Pléiade, mouvement illustré par Ronsard :
elle fait une large part à la mythologie
antique et à l’imaginaire. Le mouvement baroque, qui
désigne à l’origine une perle de forme irrégulière, conservera
cette propension à laisser libre court à l’imagination.
Il
émergera dès la seconde moitié du XVI° sous diverses influences
(ébranlement causé par les grandes découvertes, la Réforme, les
guerres de religion…) qui auront pour effet la dislocation des
idées reçues, des dogmes, et l’obsession de l’inconstance. Le
mouvement baroque illustre cette vision tourbillonnante de la vie et
du monde : prédomine donc l’irrégularité, la diversité, le
mouvement, la métamorphose et les contrastes. Exubérance,
étrangeté, jeux de miroirs, inattendu.
La
poésie baroque utilise volontiers les discours figurés et codés
(l’allégorie, la métaphore, les symboles, les antithèses,
énigmes…). Elle cherche à impressionner les sens et
l’affectivité. Nous voyons donc par cette définition que Dom
Juan, plus qu'une pièce classique, appartient à plus d'un titre
au mouvement baroque.
La prédominance de la mort et du changement
Vanité - 1646 - Philippe de Champaigne |
Selon Umberto Ecco, dans L'Oeuvre ouverte, « le baroque s'est développé à partir de la nouvelle vision du cosmos introduit par la Révolution copernicienne ». Le temps n'est plus perçu de façon linéaire mais selon une conception cyclique, avec le mythe de l'éternel retour. C'est le motif de la bulle, le nuage qui signifie la fragilité de l'instant et de la vie, thème que l'on retrouve bien plus tard chez les romantiques. Le monde est compris comme un perpetuum mobile par la philosophie sceptique.
La représentation de la mort change aussi : on passe de l'idéalisation de la Renaissance à une représentation horrible de la mort. Ainsi la mort est un thème majeur de la pièce, et en ceci Dom Juan peut être perçu comme une Vanité, motif alors très en vogue en peinture.
Dom
Juan, assimile la fidélité à la mort et fait l'éloge de
l'inconstance
: « La belle chose de vouloir se piquer d’un faux
honneur d’être fidèle, de s’ensevelir pour toujours dans une
passion, et d’être mort dès sa jeunesse, à toutes les autres
beautés qui nous peuvent frapper les yeux : non, non, la
constance n’est bonne que pour des ridicules » . De même,
il clame son goût pour le changement et la mobilité : « Les
inclinations naissantes après tout, ont des charmes inexplicables,
et tout le plaisir de l’amour est dans le changement. » Au
mariage sont donc associées les idées péjoratives d'immobilité,
de mort, de sommeil, de prison, tandis que la vie est associée à
la nouveauté et à l'instabilité.
La
vie après la mort,
et ce qu'il adviendra de l'âme du libertin, est une des questions
centrales de la pièce, qui rend compte de sa prédominance dans les
mentalités de l'époque.
Dès la scène d'exposition, Sganarelle évoque sa crainte, sinon son souhait, de voir son maître finir en Enfer : « Suffit que le courroux du Ciel l'accable ». A de nombreux reprises, il met en garde son maître sur la probable fin qui l'attend, s'il continue ses forfaits : « Ma foi, Monsieur, j’ai toujours ouï dire, que c’est une méchante raillerie, que de se railler du Ciel, et que les libertins ne font jamais une bonne fin. (…) Apprenez de moi, qui suis votre valet, que le Ciel punit tôt, ou tard les impies, qu’une méchante vie amène une méchante mort » (Acte I, scène 2) ou encore « Croyez ce que vous voudrez, il m'importe bien que vous soyez damné ».
Sganarelle n'est pas le seul à évoquer le châtiment qui attend Dom Juan : Done Elvire le prévient, acte I, scène 3 : « sache que ton crime ne demeurera pas impuni ; et que le même Ciel dont tu te joues, me saura venger de ta perfidie. » ; de même Dom Louis l'enjoint à cesser de « prévenir sur lui le courroux du Ciel ».
Dès la scène d'exposition, Sganarelle évoque sa crainte, sinon son souhait, de voir son maître finir en Enfer : « Suffit que le courroux du Ciel l'accable ». A de nombreux reprises, il met en garde son maître sur la probable fin qui l'attend, s'il continue ses forfaits : « Ma foi, Monsieur, j’ai toujours ouï dire, que c’est une méchante raillerie, que de se railler du Ciel, et que les libertins ne font jamais une bonne fin. (…) Apprenez de moi, qui suis votre valet, que le Ciel punit tôt, ou tard les impies, qu’une méchante vie amène une méchante mort » (Acte I, scène 2) ou encore « Croyez ce que vous voudrez, il m'importe bien que vous soyez damné ».
Sganarelle n'est pas le seul à évoquer le châtiment qui attend Dom Juan : Done Elvire le prévient, acte I, scène 3 : « sache que ton crime ne demeurera pas impuni ; et que le même Ciel dont tu te joues, me saura venger de ta perfidie. » ; de même Dom Louis l'enjoint à cesser de « prévenir sur lui le courroux du Ciel ».
Le registre fantastique et la réflexion sur les apparences
Par la mort surnaturelle du « monstre », sa rencontre avec la statue vivante et parlante du Commandeur qu'il a assassiné six mois auparavant, sa dernière mise en garde émanant de la bouche d'un spectre, Dom Juan offre une forte tonalité fantastique, s'appuyant sur le goût du public d'alors pour les pièces « à machines », qui permet des mises en scène spectaculaires.
La présence de la statue vivante et du fantôme remet en question la vision rationnelle de l'existence, installant une étrangeté inquiétante, et le recours à ce lieu symbolique pour y faire errer, puis périr le libertin ajoute au caractère sombre de la pièce, s'appuyant sur tout un imaginaire collectif qui voit dans la forêt le lieu de tous les dangers et de tous les maléfices.
Le
baroque fantastique : la fascination pour l'occulte,
l'imaginaire démoniaque, la question de la mort, donne aux auteurs
baroques un goût prononcé pour les univers macabres, isolés,
sauvages, à la lisère entre réalité et illusion. Les paysages
de nature tourmentée, landes, cimetières, marais, ruines, sombre
forêt, sont alors à la mode, comme évoquant cette angoisse devant
l'aspect fugitif et mouvant de la vie. Ainsi Dom Juan se déroule en
grande partie dans la forêt, où il découvre le tombeau du
Commandeur, et où il trouve la mort, guidé par un spectre.
La
question des apparences : le thème de la métamorphose, de
l'illusion, des apparences est aussi prédominant chez les baroques,
et très présent dans la pièce ; en plus du fait que Dom Juan, pour le choix de ses conquêtes, ne s'attache qu'au physique, il est souvent question de costume dans la pièce. A l'acte I,
scène 2, par exemple où Dom Juan réprouve le manque de courtoisie
de Done Elvire, qui n'a pas pris la peine de se parer pour venir à
sa rencontre :
« Est-elle folle, de n’avoir pas changé d’habit, et de
venir en ce lieu-ci, avec son équipage de campagne ? ».
A l'acte II, scène 1, où Pierrot évoque avec délectation les
complications du costume du noble sauvé de la noyade : « Mon
quieu, je n’en avais jamais vu s’habiller, que d’histoires et
d’angigorniaux boutont ces messieus-là les courtisans. »,
et c'est sur sa mise que Charlotte accorde sa bonne foi à Dom Juan :
« Ah, mon quieu, qu’il est genti, et que ç’aurait été
dommage qu’il eût esté nayé ! ».
Enfin, c'est le ressort classique de la comédie, le travestissement, qui donne lieu à
une réflexion sur les apparences : Dom Juan et son valet, pour
fuir leurs poursuivants, changent de vêtements, et Sganarelle revêtu
un costume de médecin se sent venir la science: "Mais savez-vous, Monsieur, que cet habit me met déjà en considération ?
que je suis salué des gens que je rencontre, et que l’on me vient
consulter ainsi qu’un habile homme ?" Il illustre là, de
façon ironique, l'adage qui veut que « l'habit ne fasse pas le
moine ».